jeudi 20 août 2009

Fly away

Tohoshinki - BOLERO

Fly away under the snow
~For ever~


La neige tombait en fins et délicats flocons. Le paysage était envahi de confettis blancs et glacés – mais ô combien doux – étincelants sous la lumière blafarde de cette journée d’hiver. Le froid rude et douloureux paraissait adouci et embelli par la simple chute de ces flocons. La terre, les toits, les murs, le monde, se trouvaient parés d’un manteau immaculé. Au dehors, sur les routes, la couche de neige était encore vierge de toute trace de pas.

Par la fenêtre, elle regardait le monde ralentir à mesure que la couche de neige s’épaississait. Elle guettait ce bref moment… aussi rare et magique que l’était la lumière verte d’un coucher de soleil parfait… où le monde s’arrêtait comme si la Terre ne tournait plus. Ce moment qui ne survenait que lorsque le ciel avait décidé de geler, le temps d’une éternité éclair, le plus beau jour d’une vie.

Peut-être serait-ce le sien, ce jour-là.

Elle s’accouda au rebord de la fenêtre de sa chambre et appuya son front sur la vitre. Le contact du verre froid sur son front fiévreux, lui arracha un frisson. Elle resserra sur elle les pans de sa robe de chambre, sans quitter des yeux le jardin se couvrant de poudreuse. Derrière elle, la radio diffusait une valse entraînante, à la fois joyeuse et nostalgique. Fermant les yeux, elle se laissa bercer par la mélodie.

Elle s’imagina, dansant, sa main posée sur l’épaule de son cavalier, l’autre tenue dans sa main gantée d’ivoire, et sa taille fine timidement soutenue par son bras. Ils virevoltaient, légers, leurs entrechats entremêlant courbes et boucles pour former des arabesques fantaisistes. Leurs pas effleuraient tout juste le sol couvert d’un somptueux tapis neigeux. Tous deux levèrent leurs regards qui se croisèrent.

Le rêve prit fin avec un nouveau morceau, bien moins entraînant. Cependant, il lui sembla avoir aperçu, au dernier moment, un éclat doré dans les prunelles de son cavalier.

Elle sourit, indulgente face à sa propre rêverie.

La neige tombait toujours au dehors. De la buée s’étalait sur la fenêtre, près de sa bouche et de son nez, à mesure qu’elle respirait. Elle regarda la surface trouble et humide s’élargir puis rétrécir, totalement fascinée.

Puis cela arriva.

Arriva le moment où la buée se figea tout simplement. Malgré son souffle, elle ne parvint à l’étendre. Cela ne disparut pas non plus. Intriguée, elle fronça les sourcils.

Arriva le moment où la musique cessa d’être jouée. Comme suspendue, la dernière note s’étendit dans l’air en un doux decrescendo avant de s’évaporer.

Arriva la seconde où les aiguilles de l’horloge cessèrent leur course. Le bruit sec de la trotteuse brusquement arrêtée, retentit dans la chambre. Dans le jardin, les flocons volaient toujours.

Arriva l’instant où elle comprit et sourit. Heureuse, impatiente et craintive.

Sans se soucier du froid, elle ouvrit en grand les fenêtres et se pencha au dehors. Elle ne sentait pas le gel de l’hiver, seulement la tendre caresse de plumes de colombes, tombées des cieux. Le ciel était d’un blanc pur et brillant.

Elle entendit avant de voir, cette main gantée d’ivoire se poser sur le tronc lisse du petit cerisier trônant dans le jardin. Elle perçut le doux crissement de ses bottes dans la neige. Son long manteau bleu nuit claquait au gré d’une brise qui soulevait flocons et plumes. Son visage fin aux traits bienveillants s’illumina d’un sourire lorsqu’il la vit à la fenêtre, à l’étage. Il tendit la main, le bras, l’invitant à le rejoindre.

Son cœur fatigué rata un battement, avant de reprendre follement. Fébrile, elle posa ses mains sur sa poitrine, comprimant le rythme allègre qui résonnait à travers son corps. N’y tenant plus, elle se précipita hors de sa chambre, oubliant sa fenêtre, dévala les escaliers, traversa le salon et ouvrit la porte menant au jardin. En chaussons et en robe de chambre, elle courut dans la neige.

Elle s’arrêta brusquement, se souvenant de ses vêtements ridiculement simples, fades et peu convenables, au côté de la tenue presque impériale de son visiteur. Dans son rêve, elle ne portait pas ces… guenilles.

Un rire effaça son irritation, et une main prenant la sienne fit taire son hésitation.

« Dansons. »

Chuchotement. Chant. Murmure. Mélodie.

Son timbre… sa voix… était tout et aucun à la fois. Une lueur d’amusement et… d’amour pétillait dans ses iris d’or. Son cœur se gonfla de bonheur et de plaisir.

« Avec joie… »

Son autre main trouva place sur sa taille, la rapprochant de lui. Elle posa la sienne sur son épaule.

Et ils dansèrent. La brise apporta à leurs oreilles, une mélodie semblable à celle qui la fit rêver de ce moment unique.

Ils valsèrent, sans fin, autour de l’arbre dépourvu de feuilles, certes, mais paré de branches étincelantes.

Elle ne pouvait détacher son regard de ses prunelles et de son sourire. Il la regardait. Il souriait avec elle, et pour elle.

Que cet instant ne s’arrête jamais. L’éternité d’une étincelle.

Ils volaient, flottaient, leurs pieds ne foulaient plus le sol, mais trouvaient appui dans les airs. Elle se laissa transporter par l’ivresse et l’indicible bonheur de danser et voler dans les bras de la personne qui l’aimait le plus au monde, sans partage.

La mélodie parvenait à sa conclusion ; leur valse ralentit et se poursuivit sur la neige. Tous deux souhaitaient faire perdurer l’enchantement jusqu’à ce qu’il s’évanouisse avec les dernières notes.

Ils cessèrent de danser, mais pas de se regarder ni de se sourire. Tendresse et admiration. Amour et émotion. Submergée par la multitude de sentiments, elle ferma les yeux. Elle sentit de fines lèvres se poser sur son front à peine moins brûlant.

« Viens avec moi. »

Il l’entoura de ses bras, sa joue sur le haut de sa tête. Il sentait toutes sortes de parfums, délicieux, du plus subtil au plus insolite, mais merveilleux. La chaleur de son étreinte la protégea de l’air qui redevenait un peu plus froid à mesure que le temps reprenait ses droits sur le monde.

« Emmène-moi. »

Ses doigts agrippèrent le noble tissu de son manteau, et elle cacha son visage. Il sourit, irradiant du bonheur le plus intense qui put exister. Les dernières plumes subsistantes roulèrent sur la neige, se rassemblèrent en cercle autour du couple, puis se soulevèrent. Quelques instants plus tard, ils furent cachés au reste du monde.

Le vent courut, froid, dur, impitoyable sur le jardin, balayant flocons et plumes d’un seul souffle.

Il ne restait plus rien du rêve, ni de ses personnages. Envolés.

Hormis une jeune personne emmitouflée dans une robe de chambre détrempée par la neige, étendue sur l’herbe blanchie et figée, au pied d’un cerisier mort depuis quelques années mais toujours présent.

Ses lèvres bleuies sculptées en un sourire heureux.

Et éternel.

M.Y.
05-07/01/09

3 commentaires:

  1. Tu l'as posté ici *0*
    Tu sais combien j'aime cet OS. Il est sublime ! De plus, tu connais mon amour de la neige :') Bref, je me répèterai pas. J'aime, c'est tout.

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  2. Je suis tombé par hasard sur votre blog.
    Que dire ? Juste magnifique.
    Ce texte est sans doute mon préféré :)

    (P.S : J'ai 14 ans et je suis une passionnée de lecture. J'écris aussi mais c'est loin d'être bon...Surtout quand je lis vos texte, je me sens toute petite *rires*)

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  3. Ooooh pourquoi es-tu en anonyme ? ^.^

    Merci beaucoup ça me fait plaisir qu'on me lise ^___~ ne t'inquiète pas, à force de lecture et d'écriture, on évolue bien !

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